Derrière la simplicité du régime micro-BIC se cache une bombe fiscale. Des centaines de milliers de bailleurs omettent encore de s’immatriculer à l’INPI pour obtenir un numéro SIRET, pourtant obligatoire pour toute activité de location meublée. Un oubli qui pourrait leur coûter cher à l’heure où la DGFiP resserre la vis et priver les communes de plusieurs dizaines de millions d’euros de recettes.
 
Un formalisme souvent ignoré
La location meublée attire chaque année de nouveaux investisseurs séduits par ses atouts fiscaux et sa gestion simplifiée. Mais beaucoup ignorent qu’il s’agit, juridiquement, d’une activité commerciale soumise à immatriculation obligatoire auprès de l’INPI. L’opération est gratuite, rapide, mais encore largement négligée.
Selon les chiffres croisés de la DGFiP et du répertoire SIRENE, seules 884 827 activités de location meublée sont actuellement enregistrées, sur près de 1,2 million de bailleurs déclarants. Autrement dit, près d’un loueur sur trois exerce sans numéro de SIRET. La faute, selon Stéfano Demari, président de JD2M (Jedéclaremonmeublé.com), à une méconnaissance généralisée :
 
« Dans le cadre du régime micro-BIC, le système de déclaration ne bloque pas les loueurs non immatriculés. Résultat : beaucoup pensent, à tort, que le SIRET n’est pas indispensable. »
Le risque s’accentue avec la réforme du régime micro-BIC issue de la loi Le Meur, qui restreint les avantages fiscaux de la location de courte durée. De nombreux bailleurs vont devoir passer au régime réel dès 2025, une bascule qui rend le SIRET obligatoire pour déposer la liasse fiscale.
 
Un oubli qui peut coûter cher
En apparence, l’absence d’immatriculation ne déclenche pas de sanction immédiate. Mais les conséquences fiscales peuvent être lourdes. Le numéro SIRET fixe la date de début d’activité, point de départ des charges déductibles et des amortissements. Déclarer trop tard, c’est perdre plusieurs mois de déductions fiscales — voire d’amortissement sur le bien ou le mobilier.
 
« Pour un investisseur, cette date peut remonter à l’achat du bien ou aux premiers travaux réalisés avant la mise en location », rappelle Baptiste Bochart, juriste chez JD2M. « Si cette date n’est pas déclarée correctement, les dépenses engagées avant l’immatriculation ne pourront pas être déduites. Cela se traduit par un manque à gagner fiscal parfois significatif. »
 
Un risque d’autant plus élevé que les loueurs passent de plus en plus souvent au réel, volontairement ou par obligation. Entre les changements réglementaires et la surveillance accrue de la DGFiP, le temps des approximations administratives touche à sa fin.
Les communes aussi perdantes
L’absence d’immatriculation ne pénalise pas seulement les particuliers : elle prive également les communes d’une part importante de Cotisation Foncière des Entreprises (CFE), dont les loueurs en meublé sont redevables.
 
Selon JD2M, environ 350 000 activités échappent aujourd’hui à cette taxe. En appliquant simplement la cotisation minimale (243 € en 2025), cela représente au moins 85 millions d’euros de pertes pour les collectivités locales. Et encore, ce chiffre est probablement sous-évalué : certaines activités non exonérées devraient s’acquitter de montants bien supérieurs. « On approche sans doute les 100 millions d’euros de manque à gagner pour les communes », estime Victor Peltier, directeur général de JD2M. « Il suffirait d’imposer le numéro SIRET pour toute déclaration de revenus locatifs au micro-BIC pour régler le problème. »
Un correctif simple à mettre en œuvre, qui aurait le mérite de sécuriser les loueurs… et de redonner de l’air aux finances locales.
 
Vers une régularisation inévitable
Avec la montée en puissance du régime réel, la digitalisation de la fiscalité et la croissance du parc locatif meublé, la question de l’immatriculation ne pourra plus rester marginale. Les bailleurs devront se mettre en conformité, sous peine de blocages lors de leurs déclarations 2025.
Les experts conseillent d’anticiper : immatriculation dès la première dépense, vérification des codes d’activité (68.20A ou 55.20Z), et mise à jour régulière sur le site de l’INPI.
 
Derrière un simple numéro SIRET, se joue en réalité une reconnaissance administrative indispensable pour sécuriser ses revenus et protéger son patrimoine. Car en matière de location meublée, l’oubli n’est jamais anodin.
 

